Gataca ♣ Franck Thilliez

Frank Thilliez
L'Evolution est une exception. La règle, c'est l'extinction.
Une jeune scientifique spécialiste de l'évolution des espèces, retrouvée morte, attaquée par un primate.
Onze hommes derrière les barreaux. Leurs points communs : tous ont commis des crimes barbares et tous sont ... gauchers.
Enfin, la découverte d'une famille de Néandertaliens assassinée par un Cro-Magnon. Quel est le rapport entre ces affaires et des crimes éloignés de 30000 ans? 
La clé est dans ces quelques lettres : GATACA...

Through the Looking-Glass (Lewis Caroll - 1871)
"A un moment donné, Alice et la Reine Rouge se lancent dans une course folle. Alice demande alors : "Mais, Reine Rouge, c'est étrange, nous courons vite et le paysage autour de nous ne change pas?" Et la reine lui répond : "Nous courons pour rester à la même place.""

Gataca est un thriller scientifique, axé sur la biologie évolutive, mettant pour la deuxième fois en scène le couple d'enquêteurs Lucie Hennebelle et Franck Sharko. Complexe et très recherché, j'ai beaucoup aimé ce livre. Une enquête et des éléments disparates qui ne semblent pas être associés, des liens entre gauchers et violence... Bienvenue dans Gataca!

Mais avant toute chose, j'ai voulu commencé cette chronique par ce préambule de Lewis Caroll car il s'agit d'un théorème biologique reconnu et étudié lorsque l'on s'intéresse un temps soit peu à ce merveilleux phénomène qu'est l'évolution. Et je suis d'autant plus ravie que Frank Thilliez en fasse référence dans ce livre. 

En commençant ce "thriller", je ne m'attendais pas à ce compte rendu scientifique aussi détaillé que nous offre l'auteur. Cependant, en lisant certaines chroniques, je me suis aperçue que si ce livre est beaucoup apprécié, certaines notions n'ont pas été totalement comprises par les lecteurs malgré une bonne vulgarisation des notions biologiques énoncées par l'auteur. C'est pourquoi, à la fin de cette chronique, je reviendrai sur certains de ces concepts et exemples de manière illustrée et simplifiée sans pour autant être trop scolaire. D'une part car c'est un sujet que j'ai longuement étudié et que j'apprécie fortement. D'autre part, je me suis dit que cela pouvait aider les futurs lecteurs lors de leur lecture. Donc, si cela vous intéresse, n'hésitez pas à lire jusqu'au bout.

Revenons-en donc à mon avis concernant l'histoire de Gataca. 
Tout d'abord, je suis contente de ne plus m'être souvenue du synopsis car il est à la fois inexact et trop spoilant. Je ne sais pas si c'est l'édition qui veut ça mais j'ai eu le même problème avec "Le syndrome E". Bref...

Ensuite, je dois dire que je n'ai pas vraiment ressenti le côté thriller de ce livre. Ce qui m'a vraiment intéressée, c'est tout le cheminement qu'ont dû faire Lucie et Sharko afin de résoudre le crime sur lequel enquête ce dernier. J'ai trouvé ça vraiment passionnant. L'enquête paléontologique, les thèses évolutionnistes... Chaque élément mis bout à bout pour les amener encore plus loin dans leurs réflexions. Personnellement, j'ai vraiment été emportée par l'investigation même si la découverte de l'assassin n'était pas ma priorité. L'histoire est menée tambours battants sur plusieurs fronts, tantôt à Paris, tantôt dans des laboratoires, tantôt dans une montagne à la recherche de Cro-Magnon. Bref, on voyage beaucoup mais toujours avec une ligne conductrice : la thèse évolutionniste de la victime.


" Avec un soupir, elle fixa silencieusement les flots noirs, ténébreux, sous lesquels foisonnaient pourtant des milliers d'espèces. Du fin fond de sa tristesse, elle se dit que tout ce qu'il y avait de plus sombre pouvait aussi porter l'espoir de la vie."

En outre, le passé de Sharko et Lucie leur sont renvoyés en pleine face, ce qui non seulement donne une note plus personnelle à l'intrigue mais rajoute également une tension supplémentaire au roman.

Il s'agit en effet du deuxième tome où apparaissent Lucie et Franck ensemble (le premier étant "Le syndrome E") mais du sixième si on considère leurs enquêtes séparément. Du coup, il y a certains éléments du passé qui reviennent mais qui n'est pas dérangeant si on n'a pas lu les livres précédents. Ce qui est mon cas. Je n'ai lu que Le syndrome E et il y a tellement longtemps que je ne me souviens de rien du tout. Or, Gataca se poursuit sur un cliffhanger terrible se déroulant dans le tome précédent. Je trouve néanmoins cette ignorance bénéfique car cela m'a permis de ressentir plus intensément les émotions des deux protagonistes.

Lucie et Sharko sont plus que des enquêteurs. Je les trouve très bons dans leur rôle mais le fait d'y associer leur vie dans l'intrigue principale, nous permet en tant que lecteur d'être touché par ce qui leur arrive. Ils sont tourmentés, fragiles mais vont au bout des choses. De plus, Franck Thilliez leur fait prendre conscience petit à petit de l'importance des faits sur lesquels ils enquêtent. Il est vrai qu'au départ, Sharko n'y comprend rien et n'est pas du tout conscient de l'importance de l'évolution dans nos vies actuelles. Mais au fil de ses interrogatoires, il change et c'est agréable. A travers ce comportement, je ressens une part de l'auteur.


"Cerné par cette puissance intrinsèque de mère Nature, on ne pouvait que se sentir humble et s'incliner."

Quant à Lucie...Et bien, je suis vraiment triste de ce qui lui arrive.

Tout ce travail de recherche que Franck Thilliez nous livre dans ces 606 pages. C'est assez remarquable car presque tout se tient. J'ai quand même remarqué quelques erreurs à cause de la volonté de l'auteur de vouloir romancer des faits scientifiques mais cela passe inaperçu aux yeux d'un lecteur lambda. Et honnêtement, le contenu de l'histoire pardonne facilement ces quelques écarts. Après tout, il s'agit d'un roman et non d'un article scientifique. 
Je regrette néanmoins que l'auteur nous parle de "gène de la violence" ou "gène meurtrier" mais au final, ce n'est pas exploité. De même qu'il a une vision trop anthropocentrique de l'évolution.

Parfois, il m'arrivait de m'arrêter en pleine lecture pour revenir mentalement en arrière et me remémorer comment les personnages en sont arrivés là. Dans ces moments, je me rendais vraiment compte que l'intrigue était complexe et que chaque détail avait son importance. 

C'est vrai que de prime abord, il est difficile d'appréhender tout ce qui nous est livré. Mais lorsque les rouages se mettent en place, alors...il faut juste savourer sa lecture.


"Une seconde n'est rien à l'échelle de l'humanité. Mais chaque seconde possède cette magie d'être unique."

Maintenant, un peu de culture générale :-D

Commençons par quelques définitions pour que ce soit plus clair :

"La sélection naturelle est le processus qui amène à un résultat qu'est l'évolution."

"L'adaptation est le processus qui favorise les organismes ayant le plus de chance de survivre dans un environnement donné."

Donc, la sélection naturelle ne favorise pas les plus forts au détriments des plus faibles (comme l'auteur nous le dit) mais permet aux organismes ayant un meilleur succès reproducteur de survivre. Le but de tout organisme étant de perpétuer son espèce.

De plus, selon Liegh Van Valen (1973), la probabilité d'extinction  d'une espèce devrait diminuer au cours du temps.
Aussi, la probabilité d'extinction est identique entre les vieux et les nouveaux taxons --> l'organisme est forcé de s'adapter mais n'est pas mieux adapté que son ancêtre.

Je dirais que l'homme est le seul à aller contre cette théorie puisqu'il force la nature en augmentant sa longévité, en soignant les maladies,... et surtout à vivre au-delà de la capacité limite de son milieu : la Terre.

Les requins-taureaux ou Carcharias taurus
Dans ce livre, Thilliez nous évoque le fait que les embryons de cet animal ont recours au cannibalisme in utero. Dans ce cas, les plus faibles sont éliminés dû à une sélection des plus résistants. 
http://www.aquaportail.com/fiche-poisson-2190-carcharias-taurus.html
Encore une fois, le terme "faible" est incorrect. Cependant, le fait que les plus grands survivent en "dévorant" les plus petits conférerais un avantage à ceux-ci face aux prédateurs. Etant donné qu'ils sont plus grands, ils seraient plus aptes à faire face à cette pression de prédation.
En réalité, une étude de Chapman & al fait état de la possibilité de fécondation multiple de la femelle. Soit plusieurs mâles ayant fécondés en même temps plusieurs embryons, ce qui poserais un problème génétique. Dès lors, certains embryons seraient éliminés en vue de ne garder d'un seul génome paternel (voire deux).

Le phalène du bouleau :
Majerus & al (2009)
Il s'agit d'un papillon de nuit présent sous plusieurs formes dont les 2 les plus étudiées sont :
Biston betularia de couleur plutôt clair
Biston carbonaria de couleur plutôt noire

Majerus & al (2009)
Ce sont des organismes qui sont considérés comme des modèles de mimétisme et d'évolution darwinienne, surtout depuis des constatations menées en Angleterre en 1848 dans une région fortement industrialisée.   En effet, il y a eu une recrudescence de la forme noire suite au noircissement des troncs de bouleau à cause de la pollution. Cette stratégie d'adaptation à l'environnement semblerais conduire à une survie supérieure des individus de couleur noire dans ces régions car il subirait du coup moins de prédation car moins visible.
Majerus & al (2009)
En 2009, Majerus & al (Majerus M.E.N. -2009. Industrial Melanism in the Peppered Moth, Biston betularia: A excellent Teaching exemple of Darwinian Evolution in Action. Evo Edu Outreach 2:63-74ont apporté des éléments nouveaux sur ces papillons et la théorie exposée ci-dessus ne serait pas tout à fait exacte. Notamment car certains prédateurs ont une vision via les UV. Dès lors, la forme blanche ou noire n'apparaît plus de la même manière.
Pour plus d'infos : http://www.evolution-biologique.org/mecanismes/selection-naturelle-2.html


Concept de la Reine Rouge :
Théorie de coévolution entre la proie et le prédateur.

Au cours de l'évolution, le prédateur est de plus en plus efficace pour attraper sa proie. En réponse, la proie acquiert des solutions pour échapper au prédateur. Il s'agit d'une évolution continue mais asymétrique puisque "la proie court pour sa vie, alors que le prédateur court seulement pour manger." (Dawking, 1979)

C'est l'exemple type du lion et de la gazelle mais il existe tout de même des contraintes physiques qui limitent l'adaptation.




Dans le roman de Lewis Caroll, Alice est obligée de courir très vite pour pouvoir simplement rester sur place. Dans un processus de Coévolution, chacun des partenaires est obligé d’améliorer ses performances pour ne pas être distancé par l'autre et être éliminé.
Ainsi, dans un ensemble d’espèces qui évoluent ensembles, il faut qu’elles évoluent toutes à la même vitesse (restent sur place) pour ne pas se faire dépasser et s’éteindre.


Voilà, j'espère que cette chronique vous aura plus et vous aura autant donné envie de lire le livre que de vous renseigner sur les théories darwiniste de l'évolution.


Ma note
17/20

Ce livre compte pour les challenges suivants :
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