Les fauves ♣ Ingrid Desjours

"Torturez-la ! Violez-la ! Tuez-là !"
A la tête d'une ONG luttant contre le recrutement de jeunes par l'Etat islamique, l'ambitieuse Haiko est devenue la cible d'une terrible fatwa. Lorsqu'elle engage Lars comme garde du corps, le militaire tout juste revenu d'Afghanistan a un mauvais pressentiment. Sa cliente lui a-t-elle dit l'entière vérité sur ses activités? Serait-ce la mission de trop pour cet ancien otage des talibans?
Dans cet univers où règnent paranoïa et faux-semblants, Haiko et Lars se fascinent et se défient tels deux fauves prêts à se sauter à la gorge, sans jamais baisser leur garde.


Mon avis

"Les fauves" est très bon roman quoique je ne le classerais pas forcément dans le genre thriller puisque j'ai plus eu l'impression de lire un roman-reportage fictif sur un sujet d'actualité brûlant : la radicalisation des jeunes, embrigadés par Daesh.

Ayant été publié avant les attentats du 13 novembre, ce roman sonne comme divinatoire mais en même temps, le récit se déroulant après Charlie Hebdo, on sent que l'auteur s'est fortement documentée sur la place de la radicalisation en France après ces événements tragiques.

C'est à la fois une force et la faiblesse qui m'a fait paraître le temps long parfois. Si tout commence par une lettre de menace et le meurtre d'une partisante de N.e.r.f. - organisation créée par Haiko dans le but de déradicaliser les jeunes voulant partir au combat en Syrie - , le sujet islamique prend une place prépondérante dans le récit, au point d'en oublier ce pourquoi tout à commencer. Car j'ai eu l'impression que l'assassinat ne fut qu'un tremplin pour débuter  l'histoire et amener la réelle préoccupation de ce livre : l'EI. Au final, j'ai eu beaucoup de mal à savoir où l'auteur voulait en venir au final dans son histoire. Je pense que si je l'avais lu lors de sa parution, j'aurais pu être plus captivée par ce que nous relate Ingrid Desjours. Mais depuis, les médias belges en parlent presque tous les jours. Et c'est triste à dire mais ça devient lassant car plus rien ne m'étonnait. Je sais que ça ne ce dit pas mais c'est la vérité.

Après, je reconnais que ce roman est vraiment très bon (juste que ça ne me convient pas pour le genre thriller). De part la plume d'Ingrid Desjours : recherchée, riche et tellement agréable à lire. Rien que pour ça, j'aime. 

Et puis, lorsque le voile tombe peu à peu, que l'auteur avance ses pions doucement mais sûrement, l'intrigue initiale avance jusqu'à une fin triste qui ne laisse pas de place à une injustice impunie même si le mal est déjà fait.

Au-delà de ce que j'ai déjà énoncé, il y a aussi cette critique vis-à-vis des gens qui perdent leur libre arbitre au fur et à mesure que les médias s'emparent de l'affaire. De ses œillères qu'ils se mettent sans filtrer ce qui passe par leur téléviseur. L'auteur met bien l'accent sur l'influence médiatique d'une affaire sur les mentalités forgées de préjugés, au point d'acculer une victime dont la barrière entre innocence et culpabilité devient de plus en plus floue.
De même que la propagande de l'EI n'est pas à sens unique - dixit les agissements douteux d'un personnage, Leduc, fervent catholique dont les intérêts ne sont pas aussi pures que l'eau bénite.

Concernant les protagonistes, l'auteur a fait fort car elle fait passer des personnages au rang de personnes réelles avec une personnalité travaillée pour nous embarquer complètement dans leur relation électrique. Une histoire de faux-semblants s'installe entre Haiko habituée à mentir par omission et Lars, ancien militaire retenu en otage. Un passé qui mène la vie dure à ce reconverti dans la protection rapproché de Haiko. Jusqu'au bout, Haiko ne lâchera pas le morceau et c'est aussi frustrant pour Lars que pour le lecteur. Entre manipulation et désir, ces deux protagonistes ne sortiront pas indemne de tout ça.

En résumé, un très bon livre mais où il me manquait un peu d'intensité pour être embarquée à 100%.

Je remercie NetGalley France et Robert Laffont (collection La Bête Noire) pour m'avoir fait découvrir la sublime plume d'Ingrid Desjours.







Ma note
16/20
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